Le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, se veut insistant pour faire comprendre que l’industrie française aura besoin de 100 000 à 200 000 travailleurs à aller chercher ailleurs qu’en France, pour faire face au manque attendu d’ici les 10 ans à venir.
Le ministre était, samedi 25 novembre, l’invité de Franceinfo où il a plaidé pour un autre regard sur l’immigration à consigner dans la loi de finances 2024. Loin de « l’immigration fantasme qui n’existe pas et que certains nous vendent », Roland Lescure a mis l’accent sur « cette autre jambe » de « l’immigration gagnant-gagnant grâce à laquelle la France s’est aussi construite à travers des décennies ». Avant d’arriver à cette conclusion, le ministre de l’Industrie est revenu sur la situation qui prévaut dans le marché de l’emploi.
« Aujourd’hui, on a besoin de tout dans l’industrie : des soudeurs, des métalliers, des soudeuses, c’est des métiers qu’on a en France, bien sûr, et je ne dis pas qu’il va falloir ouvrir grandes les vannes de l’immigration, ce n’est pas ce que je dis, mais je dis que dans les 10 ans qui viennent, on aura besoin de talents particuliers qui vont manquer », a-t-il indiqué.
Pour Lescure, la France peut former cette main-d’œuvre recherchée. D’ailleurs, « on a créé 100 000 emplois depuis six ans », souligne le ministre qui considère toutefois ces efforts insuffisants au vu de la demande future. « Si on arrive à former 800 000 ou 900 000 jeunes et moins jeunes dans les dix ans qui viennent pour faire de l’industrie, franchement ce serait exceptionnel, et il en manquera encore 100 000 ou 200 000 qu’il faudra sans doute aller les chercher ailleurs, en Europe, et peut-être même en dehors de l’Europe ».
Le « passeport talent » concerne aussi les soudeurs, les métalliers…
Roland Lescure est bien conscient que c’est « un débat un peu explosif » qu’il lance. « Moi, j'essaye de calmer le jeu un peu […] et d’ajouter des faits : il y a aujourd’hui des dispositifs qui permettent sur des métiers très particuliers ; des ingénieurs, des chercheurs… d’aller chercher ces talents qu’on n’a pas en France, ailleurs. Ça s’appelle le passeport talent. Eh bien, les talents, ce ne sont pas seulement ces ingénieurs, ce sont aussi des soudeurs, des métalliers…», précise-t-il.
Dans un premier temps, le ministre avait plaidé pour mettre le paquet sur la formation, notamment en allant « chercher les jeunes dans les banlieues, là où le chômage aujourd’hui atteint les 10, 15, voir 20% ». Mais cela ne pourrait être suffisant. « On a aujourd’hui besoin de talents essentiellement en provenance de chez nous, mais sans doute à faire venir d’ailleurs aussi », réaffirme le ministre de l’Industrie qui précise, toutefois, qu’il ne faut pas voir en sa stratégie, celle d’un « grand remplacement ». « Ce n’est pas le tsunami… C’est une vision un peu apaisée de ce sujet face à une bombe démographique. L’Allemagne, le Canada… et des dizaines d’autres pays s’organisent et nous, on débat de manière parfois caricaturale », soutient-il.
Il l’a dit, le sujet est « un peu explosif » et les réticences peuvent bien contrarier son projet qui sera soumis au parlement, mais Roland Lescure se veut tout de même confiant : « Je fais confiance au ministre de l’Intérieur pour porter ce débat au parlement, et je pense qu’on va y arriver ».