Les tarifs réglementés de l’électricité, fixés par les pouvoirs publics, continuent de jouer un rôle majeur en France. Alors que Bruxelles encourage leur suppression, le gouvernement défend leur maintien, arguant de leur effet protecteur face à la volatilité du marché de l’énergie.
Malgré l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence depuis 2007, une majorité de foyers français restent fidèles au tarif réglementé de vente, proposé uniquement par EDF et quelques distributeurs locaux. Selon les chiffres du troisième trimestre 2024, environ 20,4 millions de sites résidentiels, soit 59 % des abonnements, continuent d’y souscrire. À cela s’ajoutent 4 millions de consommateurs ayant opté pour des offres indexées sur ce tarif.
En février 2025, le tarif réglementé a connu une baisse moyenne de 15 %, principalement due au repli des prix de l’électricité sur le marché de gros. Cette diminution intervient malgré une hausse des coûts liés à l’entretien du réseau et une augmentation de la fiscalité.
L’Europe pousse à la suppression des tarifs réglementés
Dans un contexte où la Commission européenne cherche à libéraliser le marché de l’énergie, la France tarde à clarifier sa position. Une directive européenne de 2019 impose aux États membres d’abandonner progressivement les tarifs réglementés, sauf pour les ménages en précarité énergétique. Pourtant, à ce jour, quatorze pays de l’Union européenne conservent encore un système d’intervention publique sur les prix de l’électricité.
Le gouvernement français, bien que favorable au maintien du tarif bleu, n’a pas encore transmis son rapport à Bruxelles, alors que la décision finale devra être prise avant le 31 décembre 2025. Le débat est animé, y compris en France, où la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et l’Autorité de la concurrence s’opposent sur la nécessité de conserver ce système.
Un instrument de protection ou un frein à la concurrence ?
Les défenseurs du tarif bleu soulignent son effet stabilisateur sur les prix de l’électricité. Calculé sur une moyenne des prix de marché des deux années précédentes, il évite des variations brutales pour les consommateurs. Cette protection a été précieuse lors des flambées des prix en 2021 et 2022, lorsque plusieurs fournisseurs alternatifs ont suspendu ou modifié leurs contrats, prenant leurs clients au dépourvu.
À l’inverse, certains acteurs du marché, comme l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode), estiment que ce tarif constitue un frein à la concurrence. Ils dénoncent une distorsion du marché, similaire à celle qui existait pour le gaz, où les tarifs réglementés ont été supprimés en juillet 2023.
Une réforme inévitable pour EDF et le coût de l’électricité nucléaire
Derrière la question du tarif réglementé, se pose aussi celle du coût de l’électricité nucléaire en France. Depuis 2010, EDF est contraint de vendre une partie de sa production à prix fixe à ses concurrents, via le mécanisme de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Ce dispositif, fortement contesté par EDF, prendra fin au 31 décembre 2025, ouvrant la voie à une possible refonte des prix.
Les syndicats et associations de consommateurs réclament une nouvelle méthode de calcul du tarif bleu, qui refléterait davantage les coûts réels de production plutôt que les seuls prix du marché. Ce débat devrait jouer un rôle clé dans la définition du modèle énergétique français pour les années à venir.
Le gouvernement devra bientôt trancher entre libéralisation totale du marché et maintien d’un mécanisme de régulation permettant de protéger les consommateurs. Pour l’instant, l’incertitude demeure, et la question du prix de l’électricité reste plus que jamais au cœur des préoccupations des Français.