En quelques décennies, les économies occidentales sont passées d’un modèle d’économie de stock à un modèle d’économie de flux. Tous secteurs confondus, certaines entreprises ont pris une longueur d’avance pour développer des solutions assurant la sécurité et la traçabilité de leurs opérations.
Les plus âgés d’entre nous se souviennent des faux-monnayeurs qui avaient la tâche facile ou des pirates de l’air qui détournaient des avions en embarquant avec de faux passeports. Le XXIe siècle a tout changé : désormais, la sécurité et la traçabilité des objets que nous achetons et de nos transactions quotidiennes sont devenues l’alpha et l’omega de nos modèles économiques. D’un bout à l’autre de la chaîne, des producteurs jusqu’aux utilisateurs et consommateurs, les économies de flux sont régies par un seul impératif : éviter toute faille.
Sécuriser les flux humains
Dans un monde de plus en plus fluide, les flux humains restent encore scrutés à la loupe, que ce soit dans le cadre des entreprises ou du transport international. « Les badges magnétiques, qui permettent aux salariés d’ouvrir certaines portes à certaines heures sont très pratiques, mais il suffit d’un smartphone pour les cloner en quelques minutes, souligne Sébastien Parpallion, chargé de projets chez Securitas Technologies, leader français de son secteur. En revanche, les badges modernes, sécurisés contre la cybercriminalité, sont des moyens efficaces pour automatiser le filtrage des flux de personnes, notamment des salariés, tout en sécurisant les accès. » Sur certains sites industriels, la gestion de l’accès aux personnes et aux véhicules est en effet cruciale. Plusieurs solutions s’offrent aux entreprises, comme l’émission de QR codes personnalisés et d’un outil de gestion informatique. L’utilisateur – le visiteur d’un site par exemple – n’a alors besoin que d’un smartphone pour s’identifier. En outre, cela permet aux agents de sécurité de se réorienter vers des tâches à plus haute valeur ajoutée.
Dans les années qui viennent, les solutions de sécurisation affranchiront même ces utilisateurs de l’outil informatique. « Demain, lorsque la CNIL l’aura autorisée, la biométrie permettra totalement de se passer d’identifiants comme les badges ou les smartphones, avance Sébastien Parpallion. Le contrôle biométrique prouvera que c’est bien la bonne personne qui est autorisée à rentrer et pas le porteur d’un identifiant, un badge ou un code qui pourrait avoir été volé par exemple. » Tous les types de sécurisation actuels et futurs sont là pour minimiser au maximum les risques industriels, qu’ils soient terroristes ou accidentels.
Un autre secteur où les flux humains sont centraux concerne évidemment les plateformes aéroportuaires. Celle de Francfort en Allemagne vient par exemple de mettre en place un parcours 100% biométrique (enregistrement, sécurité et embarquement) afin d’accélérer le flux des passagers tout en maintenant un niveau de sécurité des plus élevés. Au printemps dernier, l’aéroport de Francfort – en partenariat avec SITA et NEC – a déployé un nouveau protocole biométrique à chaque étape du voyage, jusqu’à la salle d’embarquement. « Avec cette mise en œuvre, Francfort est à la pointe de l’industrie en répondant aux demandes changeantes des passagers pour plus d’autonomie et de commodité, tout en aidant à maximiser les efficacités opérationnelles », assure Sergio Colella, président de SITA Europe.
Tracer les flux de marchandises
La liste des secteurs où la sécurité et la traçabilité sont devenues des sujets majeurs est longue : de leurs centres logistiques à leur siège social, les entreprises sont aujourd’hui poussées à optimiser la gestion de leur flux. Dans le secteur – ou plutôt « les secteurs » – des marchandises, cette nécessité fait désormais loi. Cela est valable pour le transport des denrées que l’on retrouve sur les rayons des supermarchés comme pour le transport des déchets et matières dangereuses.
« Les règles de sécurité de l’industrie agroalimentaire varient considérablement d’un pays à l’autre, remarque Laurent Laporte, PDG de Braincube, une plateforme Industrielle d’internet des objets (IoT). Les organismes de réglementation, les exigences en matière d’étiquetage des emballages et les limitations relatives aux allergènes ou aux ingrédients diffèrent selon l’endroit où les aliments sont produits et consommés. La gestion de toutes ces réglementations et la garantie que les produits sont conformes aux normes de sécurité réglementaires peuvent constituer un véritable casse-tête pour les industriels de l’agroalimentaire. » Dans le secteur de l’alimentation conditionnée, la traçabilité des produits est essentielle à plusieurs niveaux : elle permet de retrouver facilement la source de variation de qualité d’un produit, et permet de mieux maîtriser tout le cycle de production et de distribution. Le secteur alimentaire est probablement celui où la question des délais – à cause des dates de péremption – est la plus vitale en termes d’hygiène et de sécurité alimentaire.
Dans ce domaine où l’efficacité doit être sans faille, la digitalisation est en train de prendre le pas sur l’intervention humaine. Depuis 2018 par exemple, la chaîne de grande distribution Carrefour a mis en place une chaîne de traçabilité totalement transparente grâce à la blockchain : sur ses produits issus de la production animale (bœuf, volaille…), un QR code permet aux consommateurs de tout savoir sur le steak ou la cuisse de poulet qu’ils s’apprêtent à acheter. Une technologie élargie depuis aux textiles et aux produits bio. « Carrefour s’est engagé avec son programme Act for Food à garantir une très grande transparence sur ses produits à travers un dispositif de traçabilité complet, avance Benoît Soury, directeur du marché Bio du groupe de distribution. Avec le déploiement de cette technologie pour la première fois sur nos produits bio, nous confirmons notre ambition de devenir le leader de la transition alimentaire pour tous. »
Sécuriser et tracer les opérations fiduciaires
S’il est deux secteurs où la sécurité et la traçabilité sont des règles d’or, ce sont bien les secteurs bancaire et fiduciaire. L’époque des petites imprimeries reproduisant des planches de 100 francs est bel et bien révolue : les billets actuels sont des merveilles de technologies, entre encres invisibles, systèmes de sécurité infaillibles, papiers à la durabilité accrue… En Europe, plusieurs fabricants dominent ce marché, comme le Français Oberthur Fiduciaire ou l’Allemand Giesecke & Devrient (G+D). L’entreprise française basée à Rennes a mis en place un écosystème dans lequel la plupart de ses fournisseurs sont proches géographiquement. Un choix dont l’intérêt s’est notamment vérifié lors de la pandémie mondiale de coronavirus. L’entreprise a su poursuivre son activité au moment où la demande mondiale de billets de banque augmentait, mais que les conditions de fabrication se complexifiaient.
Les deux autres sites de production d’Oberthur Fiduciaire se trouvent sur le sol européen à l’image de la société néerlandaise VHP Security Paper rachetée en 2017. Référence dans le domaine de la fabrication de papier sécurisé (à destination des billets de banque), VHP Security Paper est aujourd’hui un pilier d’une stratégie qui s’étend depuis quelques mois en Suède où l’entreprise suédoise Rolling Optics, spécialisée dans les solutions 3D contre la contrefaçon a été rachetée à hauteur de 71 %. Thomas Savare explique la démarche en ces termes : « Certaines des innovations de Rolling Optics sont déjà utilisées sur de nombreux billets de banque et l'entreprise détient une cinquantaine de brevets. Cette synergie nous permet de gagner du temps et de l'énergie. Par exemple, nous venons de lancer un nouveau produit - AnimaTM - en partenariat avec Rolling Optics. Ce fil est extraordinaire, car il offre un mouvement spectaculaire et unique avec différentes variations qui le rendent pratiquement impossible à copier. »
De l’impression du papier à la création de dispositifs anti-contrefaçons ultra-perfectionnés, Oberthur Fiduciaire est passé maître dans l’art de la sécurisation et de la traçabilité. Une expertise que la société doit à un écosystème vertueux et une volonté de maitriser tous les aspects d’une industrie hautement complexe. Finalement, quel que soit le domaine – les billets de banque, les accès sécurisés ou l’agroalimentaire –, l’idéal de sécurité et de traçabilité des flux n’a qu’un objectif : la confiance des consommateurs et des utilisateurs. Et ça, ça n’a pas de prix.