L’utilisation de filtres non conformes par Nestlé pour ses eaux minérales, en violation des normes européennes, suscite une vague d’indignation. Alors que des documents dévoilent un lobbying intense auprès de l’État, l’affaire prend une dimension politique et judiciaire. Une commission d’enquête parlementaire veut faire toute la lumière sur d’éventuelles complicités au sommet de l’État.
L’enquête menée par Le Monde et Radio France révèle que Nestlé a continué à utiliser des microfiltres inférieurs à 0,8 micromètre, bien que cette technique soit interdite pour les eaux minérales naturelles. En effet, la réglementation européenne considère qu’un filtrage à un seuil aussi bas altère la qualité microbiologique de l’eau, ce qui revient à une désinfection déguisée, interdite pour ce type de produit.
Les documents dévoilés montrent que le Directeur général de la santé avait recommandé dès janvier 2023 de suspendre immédiatement l’exploitation des eaux de Vittel et Perrier, exploitées par Nestlé. Pourtant, l’entreprise a réussi à obtenir une dérogation exceptionnelle, lui permettant de poursuivre ses pratiques en toute légalité.
Un lobbying intense au sommet de l’État
Le scandale ne concerne pas seulement des pratiques industrielles frauduleuses, mais aussi le rôle des autorités françaises dans cette affaire. L’enquête révèle des échanges de mails et de notes ministérielles montrant une intervention de Matignon et de l’Élysée en faveur de Nestlé.
Le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, aurait été en contact direct avec l’entreprise dès 2021. Des réunions auraient eu lieu pour discuter des demandes de Nestlé, malgré les mises en garde des autorités sanitaires. L’objectif : éviter un bras de fer avec Bruxelles et protéger les intérêts économiques de la multinationale.
Face à la polémique grandissante, Emmanuel Macron a tenté de désamorcer la situation lors de sa visite à l’Institut Gustave-Roussy, affirmant : « Je ne suis pas au courant de ces choses-là. […] Il n’y a eu ni entente, ni connivence. » Un démenti qui peine à convaincre, alors que le scandale continue de prendre de l’ampleur.
Une enquête parlementaire et des poursuites judiciaires
Face à l’ampleur du scandale, une commission d’enquête sénatoriale a été mise en place pour examiner les relations entre Nestlé et les pouvoirs publics. Le sénateur Alexandre Ouizille souhaite entendre des hauts fonctionnaires et des membres du gouvernement, afin d’établir d’éventuelles responsabilités dans l’octroi de cette dérogation.
L’ONG Foodwatch, qui lutte contre les fraudes alimentaires, a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour que l’affaire soit jugée. « Nous voulons un procès et des sanctions exemplaires », a déclaré Ingrid Kragl, directrice de l’information de l’association.
De son côté, Nestlé a déjà accepté de payer une amende de 2 millions d’euros en septembre 2024 pour éviter un procès. Mais l’ONG estime que cette sanction est insuffisante, demandant que des hauts fonctionnaires soient également poursuivis pour leur rôle dans cette affaire.
Le scandale Nestlé ébranle le secteur des eaux en bouteille
Cette affaire met en lumière un manque de transparence dans le secteur de l’eau embouteillée, où les pratiques industrielles semblent parfois contourner les réglementations sanitaires. Elle pose également la question du rôle des pouvoirs publics dans la protection des intérêts industriels au détriment des consommateurs.
Alors que les enquêtes parlementaires et judiciaires suivent leur cours, l’image de Nestlé est sévèrement écornée. L’enseigne devra désormais répondre aux accusations et prouver qu’elle respecte pleinement les normes sanitaires en vigueur.