Beaucoup de parents dont les enfants ont été placés auprès de l’ASE continuent de toucher les allocations familiales versées par la CAF. La réglementation indique pourtant que ces prestations devraient revenir à l’ASE. Le sujet fait débat et malgré l’existence de ce texte, c’est souvent le juge des affaires familiales qui décide de conserver ou non ces allocations.
En effet, la plupart des familles dont les enfants ont été placés auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance conservent les prestations sociales, afin de « maintenir le lien » avec leurs enfants. Pourtant, le versement des allocations familiales est encadré par le Code de la Sécurité sociale. « Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant bénéficiaire », dispose l’article L521-2. Cet article, adopté en 1985, a depuis été enrichi, mais cet énoncé est toujours en vigueur.
L'un des problèmes soulevés par cet enrichissement concerne précisément les politiques en place. Lorsqu'un enfant est placé, il est prévu que les allocations familiales destinées à cet enfant soient versées à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE). Cependant, l'article précise que « le juge peut décider, d'office ou sur saisine du président du conseil général [...] de maintenir le versement des allocations à la famille ». Cette mesure est soumise à la condition que les parents participent « à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant » ou que cela puisse « faciliter le retour de l'enfant dans son foyer ».
La suppression des aides de la CAF proposée, mais jamais actée
Pour mémoire, en 2013, la sénatrice Catherine Deroche du parti Les Républicains (LR) dénonçait une pratique qui « ignore l'esprit de la loi ». Dans son rapport remis au Sénat, elle insistait pour que la part des allocations familiales versées par la CAF aux parents ne dépasse pas 35 % du montant prévu pour l'enfant placé. De plus, pour attribuer cette part aux parents, le juge devait prendre en compte un rapport établi par l'ASE. Au final, ces modifications n'ont pas été ajoutées au texte en vigueur.
En 2022, un autre élu LR, le député Antoine Vermonel-Marques, partant du même constat que la sénatrice, a élaboré une proposition de loi. Ce dernier visait à exclure le juge aux affaires familiales du processus, ou à inclure dans la loi le principe du « versement systématique des allocations familiales liées à un enfant placé au service de l'Aide sociale à l'enfance ». Mais une fois encore, cette proposition n’a abouti à rien de concret. Au fil des années et des cas, l’exception est devenue la règle. Dans certains cas, les parents d’enfants placés qui voient leurs allocations suspendues finissent souvent par avoir gain de cause au niveau de la justice.
Il sied de noter aussi que du point de vue administratif, il est plus simple de laisser les choses en l’état. L'avocate spécialisée dans les recours contre les placements abusifs d'enfants Jenny Lamy considère que l'idée de réduire les prestations de la CAF pour les enfants placés est un faux problème qui n'aurait aucun impact significatif sur le budget de l'Aide sociale à l'enfance (ASE).
Selon les chiffres, les dépenses brutes de placements dans l'ASE s'élèvent à plus de 7 milliards d'euros pour environ 200 000 enfants. Lorsqu'un député dénonce le versement d'un « RSA bis » aux parents d'enfants placés, l'avocate réfute ces accusations en soulignant que certains parents sont dans une situation financière extrêmement difficile et que cela pourrait nuire au maintien du lien avec leurs enfants.